Lasers à cascades quantiques : première observation d’impulsions extrêmes
lundi 9 novembre 2020Les événements extrêmes peuvent être observés dans des contextes variés. La nature en est une source prolifique : vagues scélérates s’élevant bien au-dessus de la houle, moussons violentes, feux de forêt géants, etc. Depuis le début du 21e siècle, les physiciens de tous domaines, de l’optique à la climatologie, ont classifié les caractéristiques des événements extrêmes, étendant cette notion à leurs domaines d’expertise respectifs. Ainsi, les événements rares peuvent survenir dans les flux de données de télécommunication. Dans les communications par fibre optique où un grand nombre de fluctuations spatio-temporelles peuvent se produire dans les systèmes transocéaniques, des impulsions d’intensité forte peuvent altérer les composants associés à la couche physique voire brouiller la transmission de messages sécurisés et doivent donc être supprimées.
Cependant, pour certaines applications comme l’intelligence artificielle à base de neurones optiques, il est nécessaire de déclencher précisément des impulsions en réponse à une perturbation, ce qui implique d’avoir une vue d’ensemble des événements extrêmes en optique. Récemment, ces événements extrêmes ont été observés dans des lasers à cascade quantiques, comme l’ont rapporté des chercheurs de Télécom Paris, Institut Polytechnique de Paris (France) en collaboration avec UC Los Angeles (Etats-Unis) et TU Darmstad (Allemagne). En se basant sur un laser à cascades quantiques émettant dans l’infrarouge moyen, le neurone artificiel optique démontré par ces chercheurs est environ 10000 fois plus rapide qu’un neurone biologique et 100 fois plus rapide qu’un neurone artificiel électronique.
Impulsions extrêmes
Olivier Spitz, post-doctorant à Télécom Paris et premier auteur de l’étude, note que les impulsions extrêmes peuvent être déclenchées avec succès grâce à l’ajout d’une excitation électrique, c’est-à-dire une augmentation brève et de faible amplitude du courant de polarisation. Frédéric Grillot, co-auteur senior de l’étude, Professeur à Télécom Paris et à l’Université de New Mexico, explique que cette faculté de déclenchement est d’une importance primordiale pour des applications comme les systèmes neuronaux, qui requièrent que les impulsions optiques soient générées en réponse à des perturbations.
Lasers à cascades quantiques
Frédéric Grillot note que les découvertes de son équipe démontrent le potentiel supérieur des lasers à cascade quantique par rapport aux diodes lasers standards, pour lesquels des techniques plus complexes sont requises pour obtenir des propriétés neuromorphiques.
Depuis leur première réalisation expérimentale en 1994, à température cryogénique, les lasers à cascades quantiques ont connu un développement fulgurant qui leur permet aujourd’hui d’être utilisés pour des applications industrielles, y compris à température ambiante. En effet, leur longueur d’onde comprise entre 3 et 300 µm en font un outil de premier intérêt pour la spectroscopie en phase gazeuse, les contre-mesures optiques et les communications en espace libre.
Pour Frédéric Grillot, « les avantages des lasers à cascades quantiques sur les lasers à diode viennent de la durée des transitions électroniques, inférieure à la picoseconde entre les états de bandes de conduction (transitions inter sous-bandes) et à la durée de vie des porteurs bien plus courte que celle des photons. Cela mène à des comportements radicalement différents qu’on ne rencontre pas dans les diodes lasers standards.
[1] Lire l’article de recherche original d’Olivier Spitz et al., “Extreme events in quantum cascade lasers,” Advanced Photonics 2(6) https://doi.org/10.1117/1.AP.2.6.066001