Quelle est la véritable nature... de l'Intelligence Artificielle ? Deux enseignants-chercheurs et un diplômé mènent l'enquête
lundi 4 février 2019Télécom ParisTech occupe une place prépondérante pour la formation, la recherche et l’innovation dans le domaine de l’Intelligence Artificielle. En effet, il s’agit d’un des six axes stratégiques d’établissement qui concentre des forces de recherche de 50 enseignants-chercheurs et d’autant de doctorants. Avec cinq chaires d’enseignement et recherche menées sur ce thème en partenariat avec des industriels et centres de recherche et des cours dédiés de la formation initiale (cursus ingénieur) à la formation continue (Mastères Spécialisés et Certificats d’Études Spécialisés ), Télécom ParisTech entend relever deux principaux défis de cet axe : d’une part, le passage à l’échelle, la maîtrise de la complexité et l’«explicabilité» des algorithmes et d’autre part la mise à profit de la dimension multidisciplinaire alliant les méthodes, les technologies et les usages.
Si l’École, ses chercheurs et diplômés étudient toutes les potentialités de l’Intelligence Artificielle, ils demeurent vigilants sur les enjeux sociétaux qu’elle implique et peuvent aussi se montrer critiques à son égard. C’est le cas de trois enseignants-chercheurs et diplômé qui font paraître en ce début d’année 2019 des ouvrages sur l’Intelligence Artificielle :
- Antonio Casilli : En attendant les robots, enquête sur le travail du clic
- Jean-Louis Dessalles : Des intelligences TRÈS artificielles
- Luc Julia : L’intelligence artificielle n’existe pas
Ils s’interrogent sur la véritable «nature» de l’intelligence artificielle, une intelligence qui se nourrit de nos clics et est finalement très humaine (Antonio Casilli), une intelligence qui n’est pas capable de comprendre ce qu’elle manipule (Jean-Louis Dessalles), une intelligence réservée au vivant (Luc Julia). Trois brillants ouvrages qui se font écho, entendent dénoncer la vaste tromperie de l’«IA» et portent un regard salvateur et sans concession sur la société numérique. Et aussi : Antonio Casilli et Jean-Louis Dessalles ont participé à un débat : un autre regard sur l’intelligence artificielle.
Antonio Casilli : En attendant les robots, enquête sur le travail du clic – Seuil
Cliquer, liker, partager : toutes nos liaisons numériques produisent de la donnée. Ces informations, captées et monétisées par les grandes plateformes du numérique, sont sur le point de devenir l’or noir – virtuel – du XXIe siècle.
« Chaque clic d’une part alimente un vaste marché publicitaire, de l’autre il produit de la donnée qui nourrit des intelligences artificielles. […] Ce digital labor est très faiblement voire non rémunéré mais cela reste du travail : c’est une source de valeur, tracée, mesurée, évaluée […] Et selon certaines idées reçues, les machines apprendraient toutes seules. »
Sommes-nous tous devenus les ouvriers du numérique ? Antonio Casilli, sociologue à Télécom ParisTech et spécialiste du digital labor, revient sur les dessous de cette exploitation 2.0 .
Jean-Louis Dessalles : Des intelligences TRÈS artificielles – Odile Jacob
Nos machines ultra-performantes… ne savent rien. Tout ce que peuvent manifester les ordinateurs dotés des techniques les plus récentes d’IA est une intelligence qui n’est pas capable de comprendre – cela relève davantage du réflexe que de la réflexion.
« Certains de nos mécanismes cognitifs, patiemment mis au point par l’évolution biologique, comme la recherche de la simplification et de la structure des phénomènes, sont encore hors de portée des machines, contraintes de s’approcher au plus près de nos modes de raisonnement sans jamais les reproduire vraiment. »
Jean-Louis Dessalles, enseignant-chercheur à Télécom ParisTech, spécialiste des origines biologiques du langage, utilise l’IA pour démonter les mécanismes de l’intelligence humaine , notamment en ce qui concerne le langage et le raisonnement.
Luc Julia : L’intelligence artificielle n’existe pas – First
Nous aurait-on menti ? L’intelligence artificielle (IA), la technologie qui s’insinue de plus en plus dans nos smartphones mais aussi dans les enceintes connectées ou les voitures autonomes, ne serait qu’une vaste tromperie. Voilà ce que Luc Julia souhaite démontrer dans un ouvrage au titre provocateur : L’intelligence artificielle n’existe pas.
« On entend beaucoup de bêtises en ce moment autour de l’IA. Je souhaite simplement rappeler quelques vérités scientifiques. L’intelligence est forcément humaine, elle ne s’applique ni aux machines ni aux robots, même les plus perfectionnés et avancés créés par l’homme. »
Pour Luc Julia, diplômé de Télécom ParisTech, cocréateur de Siri (l’assistant vocal d’Apple), IA devrait signifier « Intelligence Augmentée » (Le Parisien).