Disparition de Dominique Pasquier
mercredi 16 avril 2025
Longtemps associée au Centre d’Études des Mouvements Sociaux (CEMS) à l’EHESS, elle a ainsi développé une série d’études sur la réception des séries et des feuilletons télévisuels, marquées par un intérêt particulier pour les pratiques des jeunes, et leurs usages des médias, dont l’un des plus originaux est la réception du sitcom « Hélène et les garçons » (La culture des sentiments, 1999). Dans Cultures lycéennes. La tyrannie de la majorité (2005) elle soulignait l’importance de la sociabilité entre pairs dans cette classe d’âge et intégrait le média internet à ses analyses. Un autre aspect crucial de son travail a été son engagement constant pour donner voix aux pratiques culturelles des classes populaires, ignorées par une grande partie des Communication Studies, trop souvent enclines à mener des enquêtes dans les milieux aisés ou étudiants, par facilité méthodologique.
C’est portée par cette triple attention aux questions de réception, aux sociabilités interpersonnelles adolescentes, et aux usages culturels des classes populaires, et face à l’évolution des pratiques médiatiques à l’arrivée de l’internet, que Dominique Pasquier a commencé à s’intéresser aux univers numériques et a rejoint le laboratoire de sciences économiques et sociales de Telecom Paris en 2008, devenu par la suite une équipe de l’UMR i3. Elle y poursuit des travaux sur la communication des migrants, un sujet qu’elle avait abordé dès le début des années 2000 (Les migrants connectés. TIC, mobilités et migration, revue Réseaux, 2010, avec Dana Dominescu), et s’intéresse également à la critique amateur de cinéma (« Moi, je lui donne 5/5 », 2014, avec Valérie Beaudouin et Thomas Legon). Surtout, elle réalise à cette époque son étude pionnière sur les usages en ligne dans les milieux ruraux (L’internet des familles modestes. Enquête dans la France rurale, 2018). Elle initie des travaux sur les tutos et vidéos de vulgarisation qu’elle dirigera ensuite au Centre de recherche sur les liens sociaux (CERLIS), qu’elle rejoint en 2019. De par sa capacité à travailler avec toutes et tous, elle a marqué profondément les travaux sur le numérique à i3, et dans toute la sociologie de la réception en France et au-delà, y insufflant sans cesse le souci d’analyser les usages des nouveaux médias sociaux dans l’ensemble du corps social, sans négliger les milieux modestes, même si les enquêtes de terrain y sont plus difficiles.