Antoine Schmitt
Artiste numérique
Pourquoi avais-tu choisi Télécom Paris à l’époque ?
Je dois avouer que c’était par le hasard de mes notes au concours mais, comme souvent, le hasard fait très bien les choses. J’ai trouvé à Télécom Paris l’environnement qui me permettait de programmer tout mon soûl sur du matériel de pointe.
Quels sont les souvenirs les plus marquants de ton passage à Télécom Paris ?
Je me souviens très bien de l’ambiance de la salle des machines réfrigérée, de l’odeur des ordinateurs graphiques, du toucher de leurs claviers… Mais aussi des expériences musicales et visuelles au foyer des étudiants, avec musiques industrielles et lasers.
Parle-nous de tes trente années de carrière…et de comment tu es passé d’ingénieur à artiste.
La programmation est ma passion depuis l’adolescence. Après mon diplôme, j’ai travaillé en R&D dans diverses sociétés, à Paris et dans la Silicon Valley, dans les champs de l’intelligence artificielle, du multimédia, des interfaces humain-machine, de l’interactivité…
… jusqu’à travailler chez NeXT, la société de Steve Jobs pendant trois ans. Mais je me sentais canalisé dans ce monde industriel orienté vers la productivité.
À cette même époque, j’ai découvert le monde de l’art. Ce fut comme une porte qui s’ouvrait, un espace de grande liberté. En 1994, à 33 ans, j’ai décidé de rentrer en France et de devenir artiste et je me suis rendu compte que pour moi, le plus intuitif pour passer d’une idée à une réalisation était d’utiliser la programmation. J’ai donc fait des œuvres programmées. Aujourd’hui, le champ de l’art programmé a acquis une forme de reconnaissance dans le monde artistique et j’ai le plaisir de voir mes productions exposées dans le monde entier.
Le numérique est ta « matière première », dis-tu. Qu’entends-tu par-là ?
Je considère la programmation comme un matériau artistique radicalement neuf par sa capacité unique à agir sur le monde. Cette spécificité permet à l’artiste d’explorer les thèmes classiques et contemporains d’une manière neuve, par des œuvres programmées, c’est-à-dire sensibles, actives et autonomes. Personnellement, j’explore ce que j’appelle les processus du mouvement. C’est une approche ontologique, avec une esthétique abstraite et minimale. Cela prend la forme d’œuvres muséales — des tableaux en mouvement, de concerts audiovisuels dans lesquels l’image en mouvement est construite dans l’instant présent — et d’installations urbaines monumentales et dynamiques à l’échelle de la ville.
Qu’est-ce qui t’est aujourd’hui utile dans ce que tu avais appris à l’École ?
L’approche transversale et pluridisciplinaire de l’École m’a donné le bagage nécessaire pour appréhender les nombreux champs de la science qui nourrissent ma recherche artistique.
Que sais-tu de la stratégie de l’École ? Qu’en penses-tu ?
Je conseillerais d’ouvrir au maximum l’esprit des jeunes ingénieurs aux recherches des champs non-scientifiques, pour stimuler leur capacité au doute.