Pressroom

L’IA au tribunal : comment les magistrats s’approprient les outils de « justice prédictive » ? (The Conversation)

christian-licoppe-400×210
Parmi les fantasmes suscités par l’IA et les nouvelles technologies, les outils de justice prédictive promettent d’à terme remplacer l’appareil judiciaire, en déduisant des textes juridiques le jugement à rendre sur une affaire nouvelle. Des expérimentations en cours pour introduire ces legal techs au tribunal montre que ce n’est pas si simple, et que les magistrats les accueillent en les confrontant à leur propre éthique professionnelle.

Par Christian Licoppe, professeur de sociologie à Télécom Paris

 

Le monde de la justice n’échappe pas à l’IA : en témoigne la prolifération des legal tech, ces dispositifs basés sur l’accès à de grandes bases de données judiciaires et sur des traitements algorithmiques plus ou moins prédictifs. En général, le discours des développeurs insiste sur le caractère « disruptif » de leurs programmes, comme si on faisait table rase de tous les autres équipements de l’activité judiciaire.

De plus, présenter l’application de l’IA au domaine judiciaire en insistant autant que le font les promoteurs de ces outils sur leurs capacités prédictives réveille le fantasme d’une substitution complète des professionnels humains par l’intelligence artificielle. Cela revient à prétendre que les outils basés sur l’IA seraient capables de déterminer par eux-mêmes les décisions judiciaires.

Les dispositifs de legal tech s’appuient sur de grandes bases de données judiciaires et sont susceptibles de combiner trois types d’outils : un moteur de recherche multicritère, des traitements statistiques, et des algorithmes probabilistes et prédictifs d’une décision possible. Chacun de ces étages du dispositif est susceptible d’aider à la décision judiciaire, mais de manière différente. Si le dernier étage est le plus prédictif, c’est le moteur de recherche, qui, on va le voir, va jouer un rôle crucial, même s’il suscite moins de fantasmes technologiques.