L’IA fissure les murs de l’École
Est-ce la fin de l’enseignement classique ? Avec l’arrivée des intelligences artificielles conversationnelles, les modalités pédagogiques éprouvées sont en voie d’obsolescence. Les enseignants eux-mêmes seraient-ils menacés dans leur fonction ? Voilà des questions auxquelles le directeur de l’Enseignement de Télécom Paris, Bertrand David, a tenté de répondre.
« Dans le cadre de la réforme de l’enseignement 2023 nous avons en effet décidé de remettre complètement à plat notre maquette pédagogique, » nous explique le professeur, jazzman à ses heures. « Ce fut une opportunité pour aussi envisager l’inclusion de pédagogies qui propose une rupture de paradigme. La première école d’ingénieur du numérique se devait d’être aussi la première à expérimenter l’utilisation de l’IA dans nos cours pour enseigner à nos élèves. »
La solution choisie, dénommée TeachGPT, développée au sein du département IDS (Image, Données, Signal), en partenariat avec une EdTech suisse financée par le Crédit Vaudois et les Écoles Polytechniques Fédérales de Lausanne et Zurich, représente la réponse française et européenne aux grands modèles linguistiques développés par l’américaine OpenAI. Les premiers tests ont déjà été effectués au sein de Télécom Paris depuis le début de l’année, pour un lancement officiel à la rentrée de septembre 2023.
Une expérimentation pleine de promesses mais qui soulève des interrogations !
Quelques cours ont donc déjà été donnés sur des populations tests d’élèves volontaires. Les premiers résultats apparaissent satisfaisants, l’algorithme s’adaptant très vite pour optimiser les évaluations des élèves et son propre score de satisfaction auprès d’eux.
« Ce qui est pratique c’est que nous pouvons solliciter TeachGPT à tout moment : matin, midi et soir, jour et nuit, et même le week-end ! » indique une étudiante qui a souhaité rester anonyme. « Ce qui nous permet d’éviter les cours du matin qui étaient toujours problématiques après les soirées. »
Ainsi, à l’issue de cette expérimentation, TeachGPT a recueilli 95% d’avis positifs de la part des étudiants, notamment grâce à un ajustement automatique de la durée et de la difficulté des contrôles en fonction du niveau et de la capacité de concentration des étudiants. Une victoire de “l’adaptive learning” soulignée par une des conceptrices de l’algorithme, Gaëlle Dulce-Deleche.
Antonio Casilli, professeur de sociologie à l’École, s’interroge cependant sur les tenants et les aboutissants de l’approche. Comme toute IA, celle-ci nécessite beaucoup de travail humain. De même que pour OpenAI, TeachGPT a fait entraîner son algorithme par des étudiants kenyans. Sait-on si ces étudiants bénéficient de l’encadrement du code de l’éducation ? Par ailleurs, ne devraient-ils pas être considérés comme des vacataires, puisqu’ils enseignent à l’algorithme ? Et donc respecter les barèmes en conséquence ? La direction de l’École n’a pas souhaité répondre aux questions…
Bientôt une école complètement numérisée ?
De son côté, le directeur d’établissement se félicite de cette innovation. « Grâce au coût marginal zéro du numérique, TeachGPT résout notre problématique d’objectif de croissance du nombre de nos diplômés dans un contexte inflationniste. » nous explique Nicolas Glady, directeur de l’École. « Nous visons d’augmenter de 10% chaque année le nombre de cours donnés par l’IA. Nous serons très rapidement en capacité de doubler nos objectifs. »
Mais cette première version de l’IA-enseignante, n’est qu’une première étape ! La direction de l’École envisage d’aller plus loin : « Une grande école comme la nôtre doit produire plus de diplômés si elle veut progresser dans les classements internationaux. » nous explique en effet le directeur. « Il ne suffit pas d’augmenter le nombre de cours en automatisant l’enseignement, nous devons également optimiser la production d’étudiants. Si cette expérimentation est concluante, nous espérons pouvoir lancer dans quelques mois le premier cours où les élèves eux-mêmes seront des IA. Cela nous permettrait d’encore plus réduire les coûts puisque si l’enseignant et les élèves sont tous virtuels, nous n’aurons plus besoin de locaux. »
Notre équipe d’enquêteurs a voulu contacter l’IA en question, mais celle-ci nous a indiqué qu’elle était en sabbatique et ne serait joignable que lors de son retour en septembre. Nous n’avons donc pas pu avoir sa version de l’affaire.
En toute transparence, la direction de l’École indique que cet article n’a pas été rédigé par une intelligence artificielle. Les différents auteurs sont loin d’être artificiels, à défaut d’être intelligents.