5G et au-delà : acteurs et experts ont échangé à Télécom Paris
vendredi 20 mars 2020Alain Sibille, professeur à Télécom Paris et secrétaire général de l’URSI-France
Pourquoi aborder le sujet de la 5G cette année ?
La thématique « Réseaux du futur : 5G et au-delà » s’est imposée logiquement, car 2020 est l’année de la commercialisation de la 5G en France. L’objectif de l’URSI (Union Radio-Scientifique Internationale) est de mettre en regard les acteurs, c’est-à-dire les représentants du monde académique, les industriels et les institutionnels. Chacun apportant son point de vue et ses problématiques. Durant ces trois jours, nous avons eu la chance d’écouter le régulateur, en la personne de Gilles Brégant, directeur général de l’ANFR, un opérateur, Philippe Lucas du groupe Orange, un équipementier, Philippe Sehier de Nokia, et plusieurs chercheurs dont Daniel Kofman de Télécom Paris. Des ingénieurs de Thales, de Engie, des universitaires français et européens ont présenté leurs travaux, dans l’amphi ou bien en visioconférence. Les discussions ont été très intéressantes et de qualité, c’est du moins ce que m’ont dit les participants durant ces journées.
Quelles grandes questions ont été soulevées durant ces trois jours ?
Les exposés ont fait état de la recherche actuelle et permis d’anticiper les travaux à venir pour développer la 5G. La 5G est un sujet très large, qui soulève beaucoup de questions techniques et de recherche. Par ailleurs, les présentations n’ont pas occulté une problématique sociétale. Nous savons que certaines personnes pensent que nous sommes trop environnés par les ondes et que cela présente un danger pour notre santé. Nous abordons ce point sans tabou tout en écartant les visions moyenâgeuses qui relèvent, à mes yeux, de la superstition. Nous traitons ces questions sous un angle scientifique, pas médical ou biologique car ce n’est pas notre domaine. Nous, nous sommes capables de quantifier, de mesurer les quantités de rayonnement auxquelles sont soumis les individus selon leurs usages. Joe Wiart, professeur à Télécom Paris qui a été l’un des organisateurs de ces journées, a beaucoup travaillé sur ces questions. Peut-on assurer un service en faisant attention à ce que les puissances ne soient pas trop importantes ? Peut-on trouver des compromis grâce aux moyens techniques ? Toutes ces problématiques nous intéressent.
Avez-vous appris des choses durant ces journées scientifiques ?
Oui bien sûr, je pense notamment à l’exposé de Philippe Sehier, représentant du groupe Nokia, qui était excellent. Il a couvert très largement l’actualité de la 5G, et a montré les évolutions de la 5G, la vision d’il y a cinq ans est différente de celle d’aujourd’hui. Les acteurs ont affiné les standards. Gilles Brégant a rappelé que la 5G était inscrite dans une continuité technologique. Les vrais bénéfices pleins de la 5G, on les aura dans leur totalité peut-être dans cinq ans ou dix ans. Les avancées technologiques se font pas à pas, petit à petit. Rien ne se fait du jour au lendemain, on l’a déjà vu, avec la 3G et la 4G.
Ces journées scientifiques alimenteront-elles les cours que vous proposez à Télécom Paris ?
Pas forcément directement. Mais il est important que les enseignements soient assez proches de l’actualité des besoins des recruteurs. Ce type de rencontre nous aide, nous les professeurs, à « être dans le coup ». Nos élèves ingénieurs, qui effectuent leurs dernières années de formation, auront certainement des propositions de poste dans les années à venir. Ils ont besoin d’être dans le bain, les professeurs qui assistent aux journées scientifiques peuvent ainsi affiner les messages qu’ils passeront aux étudiants de dernier cycle. J’ajoute que nous avons invité les doctorants et les post-docs à venir écouter les keynotes.
Quel bilan tirez-vous de l’édition 2020 ?
Nous sommes satisfaits, même si clairement des personnes ne sont pas venues assister aux présentations en raison de l’épidémie du Covid 19. Certaines entreprises ont interdit à leurs collaborateurs de venir, ce que je comprends parfaitement. Mais je constate que la chute n’a pas été trop brutale, la plupart des personnes intéressées étaient là. Plus de 70 acteurs ont répondu présent, ce qui est raisonnable au regard du contexte.
Propos recueillis par Guillaume Gesret
Verbatim
Philippe Lucas, vice-président Customer, Equipment & Partnerships Orange
« Ces journées sont stimulantes, elles me rappellent que j’ai été ingénieur chez Matra dans les années 80. Je me sens proche des chercheurs que j’entends ici. Leurs réflexions ouvrent des pistes pour le futur, car la 5G en est seulement à son début. Tous ces exposés sont inspirants, je sais d’expérience que certaines présentations qui paraissent farfelues au départ sont devenues des standards par la suite.
Je considère que nous devons accroître les échanges entre les acteurs académiques et les industriels. Ces deux mondes sont trop cloisonnés en France, nous devons multiplier les partenariats et ce type de workshop. Cela apporterait que nous avons beaucoup de choses à apprendre les uns des autres. Un groupe comme Orange se nourrit des réflexions des chercheurs, et ces derniers ont besoin de connaître la réalité du marché pour partir sur des hypothèses de recherche pertinentes. »
Jean-Benoît Agnani, directeur adjoint de la stratégie à l’ANFR (Agence Nationale des Fréquences) et président de l’URSI-France
« Les journées scientifiques de l’URSI-France existent depuis bientôt vingt ans, elles sont organisées une fois par an. Je préside l’URSI (Union Radio-Scientifique Internationale) en France, un organisme scientifique placé sous l’égide de l’Académie des sciences. Sur la proposition de Joe Wiart, professeur à Télécom Paris, nous avons choisi d’organiser ce workshop dans le nouveau campus de l’École à Palaiseau. Je rappelle que l’association URSI fête ses 100 ans et qu’elle a des liens historiques avec cette école d’ingénieurs. Plusieurs personnalités de l’URSI ont étudié à Télécom Paris. Moi, j’ai suivi une formation à Télécom Bretagne (aujourd’hui IMT Atlantique). Et Alain Sibille, le secrétaire général de l’URSI-France, enseigne à Télécom Paris.
J’ajouterai aussi que ces journées scientifiques montrent que la recherche française est en pointe sur le développement de la 5G. Ne serait-ce que sur le plateau de Saclay, d’importants centres de recherche industriels côtoient des enseignants-chercheurs de très grande qualité. »
Propos recueillis par Guillaume Gesret
Photos de Michel Desnoues